« COVID-19 » : La librairie du quartier est morte

By | 30 novembre 2020

Le premier cas de Covid-19 a été officiellement détecté à Wuhan (Chine) le 1 er décembre 2019.

En cette fin octobre 2020, le taux de mortalité Covid-19 est très faible (1 pour 1000 habitants au Pérou ou en Belgique, 0,7 au USA et 0,5 en France:  https://fr.statista.com/infographie/21819/taux-de-mortalite-coronavirus-par-pays-deces-covid-19-par-habitant/ ).

A n’en pas douter, nous vivons – et le plus grand nombre d’être humains traversent – une nouvelle crise: une crise de plus dans le temps.

Nous ne traversons pas toutes et tous cette crise de manière égale. 
Rien n’est jamais égal. Parfois équitable, mais pas égal.
Cette fois-ci, pas tous et toutes de manière équitable. 

Mais de quelle crise parle-t-on? 
Une crise ou des crises juxtaposées? 
En fait, il s’agit bien de la superposition de crises. De nombreuses crises. tellement nombreuses qu’il est très difficile de conserver des repères voire d’en intégrer de nouveaux.

La plus profonde, la plus dangereuse, la moins visible, c’est la crise de confiance:
– en les gouvernants,
– en les élites,
– en l’avenir,
– et avec la Covid-19, en l’autre (potentiellement porteur du virus),
– et enfin, en soi-même (dans notre capacité de faire face et de nous adapter).

Voilà des mois que – comme beaucoup d’autres personnes – je m’interroge quand à la pandémie SARS-CoV-2 appelée aussi la Covid-19 et à ses conséquences. 

Je percevais bien un danger … sournois et éloigné.

Je ressentais une sorte de gestion publique par la peur … déclarée de voir les hôpitaux débordés.

Des pouvoirs spéciaux.

Des « mass médias » qui abrutissent les quidams et des « médium des masses »  qui abrutissent tout autant.
Les deux pouvant être perçus comme un mélange de bruits de fond et de rumeurs.

Je sentais un nouveau rétrécissement des libertés réelles … après les rétrécissements pesant par exemple sur les libertés de fumer, de vitesse au volant, d’utiliser de la monnaie papier ou d’exprimer sa pensée face à une religion et son mode de vie moyenâgeux.

Je voyais depuis de nombreuses années les conflits continuer à prospérer partout sur la planète … au profit de quelques uns.

J’observais avant la crise Covid-19 des états déjà bien endettés avec des trous budgétaires énormes et des comptabilités approximatives.

Je savais que le surendettement de personnes, d’entreprises ou d’états conduisait inéluctablement à des catastrophes. 

Je m’attendais à ce que la crise Covid-19 ait bon dos en ce qui concerne le surendettement des états.
En Belgique le trou né de l’absence de gouvernement était déjà de près de 20 milliards d’euros avant le début de la pandémie.

J’entendais de menus spécialistes parler d’économie, prophétisant telle mesure ou telle autre. La plus constante était celle du déversement de la manne à billets. Ils me glaçaient, moi petit morceau motorisé de l’économie (comme beaucoup d’entrepreneurs et d’indépendants).

Je comprenais que la nature, c’est la jungle. Quelquefois belle, la nature reste une véritable barbarie. En particulier, vis-à-vis des êtres humains. C’est toujours la loi du plus fort et sans les outils qu’il a développés, l’être humain est fragile.
J’observais des mondes animaux et végétaux subir les excès – jusqu’à leur extinction – d’une espèce animale dominante et arrogante appelée l’espèce humaine. 
Je comprenais qu’il y avait trop d’êtres humains singulièrement dans les villes en concentration continue (comme les rats).
Je pressentais bien que de nouvelles calamités arriveraient (fonte des banquises accompagnée de la libération de bactéries et autres virus congelés, inconnus en provenance du fond des âges). Le même pressentiment pour les mêmes contaminations nées de la suppression de barrières naturelles entre l’espèce humaine et d’autres espèces animales.

Je m’interrogeais:
– qui sont réellement ces experts-spécialistes? Singulièrement ces économistes qui prophétisent surtout le passé assiette de leurs études.
– quelle est la légitimité des gouvernements quand ils font croire pouvoir tout contrôler?
– pourquoi toujours « punir » la majorité pour l’imbécilité ou les fautes de quelques un(e)s?

Orphelin à l’âge de 10 ans, je m’étonnais du rejet de l’idée de la mort, nonobstant tous les progrès des sciences de la vie (et des outils proposés par quelques autres).

Quand ma mère fût touchée – comme tant d’autres – par la poliomyélite, je ne me souviens pas que l’économie fut mise à l’arrêt.

Tout cela m’habitait sans pouvoir structurer ma pensée.

Serge et sa moitié revinrent d’Espagne avec le virus, Vincent en décéda.
Aujourd’hui, c’est Thomas, Olivier, Patricia, Joffroy, Aline et tant d’autres.

Et puis mon amie Carine, mère de mon fils Nathan, m’a dit il y a quelques jours à propos du rebond de la pandémie et de la multitude de mesures politiques déferlant sur le quidam : « on ne peut pas tout contrôler ».

Les pensées et ressentis se sont mis en place. je vous les livre.

Des postulats, des constats:

L’entendement

Je continue à faire choix de l’entendement comme outil de construction et d’élévation de chaque être humain.

« La sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d’un autre. On est soi-même responsable de cet état de tutelle quand la cause tient non pas à une insuffisance de l’entendement, mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s’en servir sans la conduite d’un autre. Sapere aude ! Aies le courage de te servir de ton propre entendement ! Voici la devise des lumières. » (Emmanuel Kant, Berliche Monatsschrift, décembre 1784). Et d’en assumer les conséquences… 

Une méthode

Agir dans l’immédiat et/ou pour l’urgent, le tout inscrit dans le long terme et pour un essentiel.
Le superflu constitue une partie de l’essentiel dès lors qu’il représente l’intérêt voire le sens de chaque vie.

Une méfiance

Méfions-nous des personnes qui ne comptent que jusqu’à deux (pour ou contre, blanc ou noir, bon ou mauvais, …) et parfois en crise s’arrêtent à un. Il n’y aurait qu’une solution, qu’une voie …

Les acquis

Rien n’est acquis ni la santé ni les libertés.

Quelques constats

Il existe toujours un espace de conflit entre l’individu et le groupe social.
C’est quand cet espace est large que l’équilibre de l’individu est en danger. 

En Occident, comment vivre avec 1 200 €? Avant la crise, pendant la crise, après la crise.

Cependant, l’argent ne suffit pas. il est nécessaire mais il est loin d’être suffisant.

La loi du plus fort toujours présente. Celle du possédant du capital et celle du plus grand nombre.

Les groupes de pression à l’oeuvre (des grandes surfaces ouvertes et pas les petites).

La manière de gérer une crise porte en elle les germes (ou non) de la crise suivante. 

L’être humain, individuellement est un humble mortel si arrogant en groupe.

L’imbécilité individuelle. Et le pire, l’imbécilité collective.  

Les vieilles et les vieux. Croyons-nous réellement les protéger alors qu’on les parque dans des boîtes appelées maisons de repos leur refusant ce qui donne le plus grand sens à la vie: à savoir la transmission au travers des contacts, des relations interpersonnelles.

Il ne fallait/faudrait pas devoir choisir entre deux malades de la Covid-19. Mais nous avons « choisi », enfin rejeté d’autres patients en centrant toutes les énergies sur la Covid-19 et ce au détriment d’autres pathologies et d’autres souffrances. 

La montée en puissance du monde dit « numérique » et en particulier de la partie immatérielle de celui-ci au détriment de la partie matérielle (celles et ceux qui produisent physiquement les produits que nous consommons et celles et ceux qui les transportent physiquement). Toutes et tous pour un pouvoir d’achat de misère. 

Et certains acteurs médiatiques – singulièrement les télévisuels – continuent leur show concourant ainsi au côté anxiogène vécu par de nombreuses personnes. Susciter l’émotion et si possible de manière négative. Face obscure de l’être médiatique. Anerie et médiocrité.

Et pendant tout ce temps, tout se serait arrêté?

Non.

Les migrants migrent toujours dans un élan désespéré, la guerre ailleurs, les Arméniens-chrétiens à nouveau meurtris sur la terre de leurs aïeux, les viols et la pauvreté ici et là, les misères, … Tout ce qui renvoie à la condition d’être humain. 

Des dirigeants prennent des mesures à propos d’une situation dont ils ne connaissent pas l’issue sans évidemment solliciter l’avis des citoyens. Cela ne s’appelle pas une démocratie. Cela s’appelle une démocrature (1).

Et tant d’autres tranches de vies …

Et les entrepreneur(e)s dans tout cela? Celles et ceux qui n’ont que peu de capital et qui ne représentent qu’eux-mêmes.

Le risque entrepreneurial vaut-il un suicide?

Non. Comprendre, faire le deuil et rebondir.

Peut-être, n’étais-je pas à ma place en ouvrant mon commerce?
Peut-être, n’ai-je pas suffisamment de réserves (financière(s), humaine(s) ou de créativité)?

La librairie du quartier va fermer. La décision d’un homme de la cinquantaine qui veut éviter la banqueroute totale et définitive pour sa famille et lui-même.

La vie de l’esprit voit un lieu qui à nouveau lui est retiré accélérant ainsi l’isolement de l’être humain.

Les lieux de socialisation des derniers siècles s’éteignent les uns après les autres depuis une cinquantaine d’années: plus de service militaire, baisse majeure de la fréquentation des églises et des maisons du peuple, le self scanning dans les grandes surfaces.
Resteraient la commande sur internet et la video-conférence par petit groupe, sans perception du toucher et des odeurs. 

Que faire?

Restaurer la confiance de chacune et de chacun.

Vivre avec le virus car cela va durer plusieurs années (au moins jusqu’en 2024) tout en continuant à inviter à la prudence et au respect de mesures sanitaires.

Ouvrir pour des petits groupes tous les lieux sociaux (commerces, restaurants, cafés, …) et tous les lieux de socialisation (centres sportifs, lieux de spectacles, clubs, associations, …). Aux dirigeants de ces lieux à inventer les nouveaux « way of life ». 


Concevoir une politique de sanction non linéaire.


Construire de nouveaux hôpitaux (et autres centres de soins en amont et en aval): en nombre, en proximité et en spécialisation. Pour cette pandémie et les suivantes. former des équipes complémentaires de soignants.

Former de manière continue les personnes aux gestes barrières, aux premiers soins et à l’accès continu à l’eau potable. A commencer par les adultes qui éduquent les enfants.

Encadrer l’ère numérique qui n’est de loin pas la panacée. Comme toute invention humaine, il y existe une palette d’usages variant du noir au blanc avec beaucoup de gris. La première pierre d’achoppement est celle de l’énergie nécessaire à cette « numérisation ». L’électricité et le stockage. Et plus tard, les applications  biologiques.

Changer le paradigme de la dette à outrance. Une cure de désintoxication des états et des personnes surendettés avec l’aide intéressée des épargnants (2).

Ne plus espérer que les êtres politiques regardent devant … à notre place.
Hormis quelques êtres d’état (dans les mondes masculins, on dit « homme d’état »), ils regardent toujours les problèmes dans le rétroviseur: c’est-à-dire quand ils sont dépassés (les problèmes et souvent eux-mêmes).
Ne pas croire aux théories du complot. ils sont juste dépassés.

Gérer, ce n’est pas résoudre des problèmes. Gérer, c’est prévoir.

Accepter aussi que nous ne pouvons pas tout contrôler en même temps. 
Accepter que nous allons vivre avec un virus de plus en attendant les autres.

Accepter la mort avec les rites: la tristesse, la commémoration, la fête dans les souvenirs et le deuil.

La vie n’est-ce pas ce qui arrive quand on pense avoir tout prévu?

(1) « Démocratie ou démocrature, visite avec un citoyen » (Editions La Kallah, Bousval, 2004).
(2) « Le train fou de la dette publique, tout le monde descend, avec Olivier BORUCHOVITCH » (Editions Luc Pire, Bruxelles, 2000).

————————————————————————————————————