Jeudi soir dernier, nous avons appris la décision de la FIFA relative à la désignation des prochains “pays” organisateurs pour les Mundial de 2018 et 2022.
“Pays” est entre guillemets car des questions sont posées. Quelles structures portent ce type de projet? Qui finance organisation, infrastructures et malheureusement sécurité? Qui assume les déficits? Qui encaisse les bénéfices voire les recettes? Sont-ce les mêmes organisations? Sont-ce les Etats?
Mais là n’est pas l’objet de ce billet.
Donc, la Russie a été désignée pour 2018 et l’Emirat du Qatar pour 2022.
No comments en ce qui concerne la désignation de ces deux pays.
Tant mieux pour eux (ou tant pis selon les points de vue intérieurs à ces pays).
Je retiens juste un élément propre à la candidature russe. Il s’agit du projet d’organiser les jeux sur un grand territoire… En voilà, une idée qu’elle est bonne!
Ce qui m’intéresse par contre, ce sont trois éléments majeurs à propos desquels le silence est absolument assourdissant.
1. L’immobilier (et les infrastructures)
Souvent, les promoteurs de ce type de manifestation argumentent des retombées économiques importantes.
Parmi elles, je retiens dans ce billet notamment l’immobilier (hôtels et logements adaptés,..) ou les infrastructures (routes, stades et infrastructures sportives, …).
Outre le fait que les budgets initiaux sont colossaux, qu’ils ne sont jamais respectés et que par contre ils explosent (voir par exemple l’étude du Professeur Chris Shaw, intitulée « Le 4ème pilier secret des Jeux Olympiques : Privatisation des profits et socialisation des pertes – l’envol des coûts de Vancouver 2010 »), je me demande à qui profite à court et à long terme ce type d’évènements?
En réalité, ce type d’évènement planétaire (enfin, il faut avoir accès à la télévision) valorise le pays d’accueil et stimule l’économie mondiale.
En clair, les élus et les élites intéressés du pays d’accueil ont des jeux à distribuer à leur peuple et un peu de pain pour eux-mêmes (dans les loges-toast-champagne pour les premiers et via les contrats de constructions pour les seconds).
La réelle stimulation économique profite essentiellement, dans un évènement de ce type, aux marques mondiales.
Ni aux populations, ni aux PME (il y a bien sûr quelques exceptions).
Mais que reste-t-il après le sacre médiatique des vainqueurs et la clôture des comptes?
Des villes endettées devant ajouter à leur écrasement financier les charges des infrastructures (capital, intérêts, dépassements budgétaires, entretien, sécurité, délabrement des lieux publics et privés, …).
Je me demande, si nous pouvons indéfiniment construire des routes, des bâtiments ou des logements … sans activité économique adjacente? Toutes les villes peuvent-elles avoir leur stade de foot flambant neuf comme chaque Américain allait avoir sa maison et ce même sans capital initial?
“L’immobilier (au sens large)” est-il une solution vivable (je pense à ceux qui subissent ces grands travaux menés tambour battant) et viable?
“L’immobilier” ne doit-il pas être le résultat d’une activité économique basée soit sur un progrès réel (par exemple une innovation utile nécessitant – en conséquence – bâtiments ou routes) soit sur un accroissement réel à long terme du niveau de vie des habitants? Dans tous les autres cas, cela conduit à la banqueroute (récemment la crise mondiale des subprime, l’immobilier espagnol ou demain stades de foot et hôtels). Demandez aux Grecs ce qu’il reste des J.O. (jeux olympiques) de 2004. Des stades quasi-vides et des dettes s’ajoutant à la crise mondiale, à l’incurie des élites et à l’incivisme des citoyens.
Ouf, la Belgique a échappé à cette catastrophe prévisible.
2. L’Europe absente
Cinq pays européens étaient présents dans la dernière ligne droite pour la désignation et ce au travers de 3 candidatures (Angleterre, Espagne-Portugal et Belgique-Pays-Bas). Que signifie d’ailleurs la candidature de ces pays censés être membres de l’Union Européenne (mais au fait de quelle union s’agit-il?) face aux pays émergents?
A propos, ne dites plus pays émergents mais bien pays-continents émergés (Brésil, Chine, Inde, Russie).
Et d’aucuns de s’étonner que les “pays” désignés n’appartiennent pas au monde occidental.
Comme me disait hier un ami industriel – ami actif en Inde et en Chine – il y a chez nous trop de personnes qui ne comprennent pas ce qui ce passe là-bas (si loin géographiquement et si près économiquement) voire plus préoccupant qui ne veulent pas comprendre.
Au plan mondial, les candidatures de pays européens ne pèsent (et ne pèseront) pas plus lourd qu’ Hout-s’i-ploût pour le championnat de Belgique.
L’échec de ces cinq pays est celui de la division dans un monde globalisé. A croire que les drames notamment économiques de cette période de l’Histoire que l’on appelle la féodalité ont disparu de notre héritage culturel.
Les médias, passeurs de pensée unique, nous disent que 2026 sera pour la Chine.
Moi je dis, une candidature de l’Union Européenne avec des stades partout en Europe, cela représenterait un gage de tous les succès: médiatique, sportif, économique (dont la réduction des coûts et risques) et – last but not least – de notoriété. Et s’il faut changer les règles de la FIFA changeons-les (comme celles de l’ONU et de toutes les organisations internationales nées le siècle dernier).
L’Europe unie dans ce domaine, comme dans quasi tous les autres, est la première puissance mondiale.
L’Union Européenne n’est qu’une étape du destin positif de l’humanité (actuellement en danger de recul ). L’Union Européenne est une étape pour l’humanité comme le furent par exemple chacune à leur manière l’unification de la France ou de l’Italie pour le destin européen.
3. Avons-nous besoin de Rêve(s) ou de Vision(s)?
Il m’a été donné à nouveau d’entendre, de voir et parfois de lire tellement d’approximations, de bêtises ou de contrevérités depuis jeudi soir.
A nouveau, j’ai pu observer le travail des média-émotions relayant la déception de nos petites élites locales privées de festivités à Zurich, propageant un populisme officiel et hypocrite sur l’argent-roi (je pense à un grand journal incapable de se renouveler et de payer des salaires décents à ses journalistes), ou encore à des auditeurs radio satisfaits de l’échec de ce projet qui n’amènera pas de beuverie après les matchs. Chouette, elles auront lieu ailleurs :-(.
J’ai eu l’occasion un jour de mai dernier de croiser Monsieur Alain Courtois promoteur belge de la candidature Belgique-Pays-Bas auprès de la FIFA.
“Le climat est morose” me disait-il.
“Les gens ont besoin de rêve”.
“Non lui dis-je, les personnes ont besoin d’une vision et de projets”
Et je pensais de leurs projets.
Que d’énergie investie dans cette candidature.
Que d’argent public dépensé dans ces réunions, dossiers et voyages.
Le rêve s’est – comme tous les rêves – brisé sur l’autel du sport-business.
Les politiques et pantins sportifs devront trouver d’autres occasions de passer à la télévision et de voyager avec Madame gratuitement (il n’y avait quasi aucun Dame à Zurich).
Que reste-t-il?
Il nous reste la leçon de nous unir au niveau européen.
Il nous reste à ne pas avoir peur de proposer l’organisation d’évènements continentaux (merci la Russie).
Il nous reste surtout à inventer cette vision tant nécessaire qu’utile: une vision servant de terreau aux projets des un(e)s et des autres.
Tomorrow is another day.